CEET Fouad, graffiti artiste

Fouad se présente en quelques mots…

Je m’appelle Fouad. Mais, je me suis renommé CEET. Je suis un graffiti artiste toulousain. 

Le concept des poulets, d’où vient-il ?

Le concept est arrivé en Chine il y a environ 20 ans. Je ne pouvais pas communiquer avec les Chinois. Impossible. Alors, je leur faisais des dessins. Quand je voulais manger du poulet, je leur dessinais un poulet. C’est véridique. L’histoire a commencé comme ça. Après, petit à petit, je le refaisais pour rire, puis sur les murs… Jusqu’à ce qu’il prenne de plus en plus de place sur mes dessins.

Comme une signature ?

Non, pas vraiment. C’est plus le concept qui m’amuse. C’est coloré, ça bouge. À l’origine, un poulet ça n’a aucun intérêt à part être mangé. Ça ne vole même pas. Le poulet est à l’image de mon concept, il correspond à être vu, critiqué… Que les gens en parlent. Au début c’était un peu compliqué car je viens du graffiti, un milieu où il y a beaucoup de puristes, des gens pour qui un graffeur ne fait que du lettrage. Moi, j’ai toujours aimé faire des personnages, même quand je graffais avec mes amis avant. C’est donc juste un personnage en plus, sur lequel je me permets quelques excentricités.

Quel graffeur étais-tu avant ?

Je graffais comme les autres graffeurs : c’est-à-dire en faisant des lettrages, des personnages. Je faisais du graffiti dans la rue avec des amis. On adorait créer des dessins qu’on reproduisait ensuite sur papier ou sur les murs. J’aimais être libre. J’étais vraiment graffiti artiste. Ça ne veut pas dire que je ne le suis plus, je le suis juste différemment.

D’ailleurs ces amis-là continuent de graffer, on a gardé contact bien-sûr. Quand on se voit on se remémore les bons souvenirs… 

Quelle a été ton éducation à l’art ?

Je me suis arrêté au BAC. J’ai fait 6 heures de fac et je suis parti. Fac d’anglais… Juste pour avoir un statut. Mais comme à l’époque je faisais déjà un peu de graffiti et du foot, je me suis contenté de ça. 

J’ai appris à dessiner tout seul, on ne me l’a jamais appris. Pas de cours de dessin, pas d’école d’art. Autodidacte donc. 

J’aurais aimé aller en école d’art, ça m’aurait fait gagner du temps et j’aurais appris de nouvelles techniques. Mais, je n’ai pas eu cette chance. De toute façon, on apprend tous les jours et je crois que je n’ai plus besoin d’aller dans une école : mes amis artistes sont là, je les regarde faire et on apprend ensemble. Internet m’apprend aussi parfois.

Tu lisais ?

Non, pas énormément.

Je lisais principalement des BD : Atérix et Obélix.  

Récemment j’ai lu un bouquin sur NTM qu’on m’a offert, et un livre sur TruSkool, un collectif de graffeurs dont je faisais partie.

Tes parents t’ont-ils soutenu dans ta démarche ?

Ma mère n’a jamais vraiment compris ce que je faisais mais, oui, bien-sûr, elle m’a soutenu.

Comment cela se passe-t-il lorsque tu graffes sans autorisation ?

On sait pourquoi on vient. On s’organise en amont, on sait ce qu’on va faire. C’est plus un jeu en fait…Du moment qu’on ne t’attrapes pas en plein vol bien-sûr. Ça m’est déjà arrivé d’avoir affaire avec la police, alors essaie de négocier, de se faire entendre, et puis en général ils comprennent.

Quels sont les artistes dont tu apprécies l’œuvre ?

Il y en a plein : des étrangers, des artistes qui font du graff, ou pas. Par exemple, Ecb qui était dans le graffiti avant et qui aujourd’hui se rapproche davantage de l’art contemporain. Il fait des portraits en noir et blanc. J’adore ce qu’il fait, sa technique, son concept, la façon dont il travaille – il va prendre en photo des gens inconnus dans la rue et les affiche sur de grandes façades. 

Mais, j’aime tout en fait. Tant le coloré que le noir et blanc. J’aime l’abstrait, le mouvement.

C’est rare que quelque chose me déplaise. Si, les portraits hyperréalistes. La technique me plaît mais ça se rapproche trop de la photo pour moi. Ça n’a pas la même énergie que la peinture abstraite.

Quelles sont les techniques et/ou les matières que tu aimes travailler ?

J’aime travailler avec tout.

Je travaille avec la bombe, l’acrylique, le marqueur, il m’est même arrivé de faire des toiles à l’huile. 

J’aime bien ce que je fais en ce moment sur les toiles : je les travaille d’abord à la bombe, puis utilise ensuite le marqueur. Le rendu me plaît, j’aime l’énergie que ça dégage. 

Ça fait 30 ans que je fais des toiles.

Tu travailles uniquement la couleur ?

Non, j’ai déjà fait des noir et blanc.  J’aime bien varier. En ce moment je fais beaucoup de travaux en couleur mais il m’est déjà arrivé de faire des choses en noir et blanc. Ce que j’aime ici, dans cet atelier, c’est que je peux expérimenter.

Je ne sais pas ce qui plaît au gens. Mais, je veux d’abord que ça me plaise à moi, et puis le reste viendra tout seul. Je ne fais pas ça pour que ça marche, je le fais parce que j’en ai envie. C’est l’énergie dégagée qui parle aux gens.

Il m’arrive aussi de faire des ratés. Par exemple, j’ai essayé de faire des portraits mais le rendu n’était pas comme je le visualisais. Ça arrive. Mais, tu apprends toujours de tes erreurs.  

Tu as déjà fait des collaborations avec d’autres artistes ?

Oui, plein. À Hong-Kong, New-York, dans le monde entier en fait. J’aime bien les collaborations. 

Récemment j’ai bien aimé celle que j’ai faite avec Belin : on avait pris en photo mes yeux pour les mettre sur le poulet. C’était pas mal, on avait bien ri. En plus, c’est un artiste génial. 

Et puis bien-sûr, celle avec Fish.  

Quelles sont tes inspirations ?

Tout. Je suis inspiré par tout et tout le monde. Parfois je parle avec une personne qui m’amuse et ça me donne une idée, comme regarder un documentaire à la télé, voir des images dans un livre, passer en train et apercevoir quelque chose qui me plaît.

Peux-tu nous en dire davantage sur l’évolution des poulets ?

Mon objectif c’est de les faire évoluer chaque année. Je veux que le concept devienne de plus en plus abstrait, qu’on sente que les poulets sont en plein vol – alors qu’à l’origine un poulet ne vole pas. 

Je fais aussi des impressions 3D de mes poulets.

[Fouad me montre une photo] 

Ce sont des jouets en plastique que je suis en train de développer. Ça se fera en Chine. Je vais en faire toute une série à l’aide de ma partenaire originaire de là-bas. Ça fait 20 ans qu’on se connaît. 

Les contacts et les liens se font rapidement en Asie. C’est plus rapide qu’en France. C’est d’ailleurs ce qui m’a plu. En Chine, il y a peu de choses qui te ralentissent. En France, il y a énormément de concurrence, beaucoup d’artistes, mais ça fait aussi parti du jeu.

Je joue beaucoup sur mon ancienneté et le renouveau. 

As-tu des expositions de prévues dans les mois qui viennent ?

Là je suis en train d’envoyer un œuf transparent en Chine, dans lequel il y a un embryon poulet. J’emballe ça dans une mallette que je personnalise. C’est une collaboration avec un artiste qui a l’habitude de faire des embryons super-héros. On a fait 10 pièces qui devraient être distribuées en Asie. 

J’ai un mur de prévu à Tokyo et à Hong-Kong, où je devrais aussi exposer l’année prochaine.

En parallèle, je travaille sur l’ouverture de mon musée en Chine et sur un solo show qui est prévu dans un musée de Shanghai. 

J’ai aussi un projet de film qui sortira d’ici 3 ans…

Si tu devais être un objet, lequel serais-tu ?

[hésitation]

Un Posca. J’aime bien ce marqueur. C’est un peu comme une bombe, mais en version marqueur. Tu peux tout faire avec, même les toiles. Je l’utilise tous les jours.