Florence Briat Soulié

Le 25 juin, dans un café du 9ème arrondissement de Paris 

Engagée en faveur de la culture, Florence lie le spectateur aux oeuvres porteuses d’un souffle narratif. Comme des pièces sonores, les arts se conjuguent pour s’apprécier en immersion. 

Dans cette redéfinition de la création artistique, Florence Briat Soulié fonde Le Cercle des Amis de la Maison de Balzac et poursuit son action en faveur du rayonnement du musée en initiant dès 2021 le projet du Prix Balzac pour la création contemporaine.

©JS.
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Quelle a été votre éducation à l’art ? Comment ce goût est-il né ?

J’ai toujours visité des musées. J’ai baigné dans cet univers. Même quand je voyageais. Et puis un oncle qui chinait beaucoup m’a transmis très tôt un goût pour les ventes aux enchères aussi. 

Vous faites donc le choix de diriger vos études en ce sens. 

Oui, en commençant par l’Ecole du Louvre j’ai découvert l’ICART, qui correspondait plus à ce qui m’intéressait : je voulais être dans l’actualité, sur le marché, et plus spécifiquement me diriger vers l’expertise pour les maisons de vente. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait par la suite, pendant 10 ans en travaillant dans une étude de commissaires priseurs. 

Avant de rejoindre le Cercle des Amis de la Maison de Balzac, vous mentionnez une expérience en Maison de vente. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Je faisais les inventaires en m’occupant aussi des ventes, ça passait par les mises en salle, l’élaboration des catalogues… C’était principalement des successions on faisait beaucoup d’inventaires. Parfois on partait avec 5 ou 6 experts dans de très grands domaines, les inventaires étaient colossaux. J’ai commencé comme stagiaire en remplaçant une stagiaire, et ensuite comme clerc. On vendait des tableaux anciens, modernes, de l’argenterie, des bijoux, de la vaisselle, du mobilier…L’étude s’appelait Delorme puis par la suite elle est devenue l’étude Dolorme Collin du Bocage. Aujourd’hui j’ai quand même gardé une activité de conseil. Je continue à faire l’inventaire de collections. L’oeil se forme et on parvient plus facilement à cerner la qualité d’une oeuvre. Je conseille aussi des artistes dans la direction que peut prendre leur travaux et je les mets en relation avec des personnalités qualifiées.

Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Caroline d’Esvenal ?

C’est une amie de toujours. Lorsqu’elle est partie à Genève elle travaillait à Paris dans l’univers du parfum pour Coty je lui ai proposé qu’on s’associe pour fonder thegazeofaparisienne.com.

Elle y apportait son oeil depuis Genève, parfois depuis la France, ou ailleurs. On a aussi un partenaire à Londres et plusieurs auteurs qui participent. Nous sommes ouverts à tous les sujets, tout ce qui peut nous enrichir. 

Pourquoi un tel engagement auprès de la Maison Balzac tout particulièrement ?

Parce qu’un été alors que j’écoutais France Culture j’ai découvert qu’il y avait eu une exposition de Louise Bourgeois. C’était le directeur Yves Gagneux qui parlait, il expliquait que c’était le seul Musée au monde pour lequel Louise Bourgeois avait créé des oeuvres spécialement pour une exposition. Elle est décédée cette année-là. Du coup, je suis allée interviewer le directeur du Musée puis je me suis intéressée à son travail, à sa vision, et son désir de montrer Balzac différemment. Ce n’était pas un musée « relique » mais au contraire, plutôt un Musée qui souhaitait montrer que La Comédie humaine était très contemporaine et que beaucoup d’artistes si intéressaient – dont Louise Bourgeois par exemple. Elle adorait Eugénie Grandet, Le Cousin Pons… C’était ses livres préférés, ils appartenaient à sa bibliothèque idéale. Pierre Alechinsky, Edouardo Arroyo, Picasso bien avant, ou encore Anselm Kiefer, Paula Rego… Tous ces artistes s’intéressent à Balzac, à La Comédie humaine, et s’inspirent de ses romans. 

Comment le projet des Amis de la Maison de Balzac a t-il été initié ?

Après cette rencontre, le directeur m’a demandé si je voulais créer cette société d’Amis du Musée de la Maison de Balzac. Il existait déjà une société, très littéraire, d’Amis de Balzac. L’idée était donc d’en créer une pour le Musée, qui puisse participer à son rayonnement et à ses acquisitions. Donc, j’ai créé ce petit comité, qui est un conseil d’administration. Nous avons organisé plusieurs petits comités, dont un gastronomique aussi, car Balzac était quelqu’un qui s’intéressait à tout : art contemporain, littérature, philosophie, sociologie… C’est pour ça qu’on reçoit des écrivains, des philosophes, des sociologues, et qu’on visite aussi des ateliers, parfois liés à Balzac, ou seulement par curiosité.

Vous présidez le Prix Balzac pour la création contemporaine, dont vous êtes à l’initiative. Il s’agit de sa 2ème édition. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Comme je fais partie du Cercle il s’inscrit en partie dedans. Et puis, je demande à des personnes du Cercle d’y participer aussi. Pour sa première édition on s’est concentrés sur la photographie. En fait, je me suis aperçue que Doisneau avait fait une exposition à la Maison de Balzac et qu’il avait eu un prix Balzac. Donc, en hommage à Doisneau à la Maison de Balzac, on a voulu récompenser la première année un photographe et on a créé un comité de sélection composé de personnalités qualifiées de la photographie. On avait Clémentine Deroudille, la petite fille de Doisneau et la fille de Frank Horvart ; Françoise Paviot… On était dans le parcours de Paris Photo, soutenus par le Ministère de la Culture et Paris Musées évidemment. [Première édition]

Le comité s’est réuni : dix photographies ont été sélectionnées puis le jury a choisi la lauréate. Je voulais faire un prix singulier, qui se différenciait. D’ailleurs pour la deuxième édition on a complètement cassé les codes. Ça n’a pas été simple : on devait réunir un cuisiner et un artiste, les faire lire Balzac et que l’oeuvre soit vraiment représentative de La Comédie humaine.

Comment la sélection des artistes et des cuisiniers a-t-elle été faite ? Les binômes se sont-ils formées d’un commun accord ?

Florence Calvet s’est occupée du comité de sélection des cuisiniers. Plusieurs personnes du Cercle, amateurs de gastronomie, ont testé les restaurants. Cinq restaurants ont été choisis. Parallèlement, j’ai choisi un comité de sélection des artistes. Là aussi, j’ai demandé à des personnes qualifiées du Cercle, comme Caroline d’Esvenal ou Nathalie Guiot, qui est la fondatrice de la Fondation Thalie de participer. Chacun d’eux a proposé des artistes et une fois la sélection faite, ils ont été proposés aux cinq cuisiniers qui ont choisi l’artiste avec qui ils souhaitaient travailler. Ça a très bien fonctionné. C’était au-delà de nos espérances. Il y a des projets qui continuent, d’autres qui naissent. Les cuisiniers vont exposer les artistes chez eux : il y a un vrai dialogue. An amont, le directeur de la Maison de Balzac a reçu chaque duo chacun leur tour pour qu’ils s’imprègnent de l’oeuvre de Balzac.

Quand le projet a-t-il démarré ?

Il a démarré au début de l’année 2022.

Directement après la première édition j’ai commencé à y penser. J’ai lancé le sujet et j’ai adressé un communiqué de presse aux mécènes du Prix. Les photographies du catalogue ont été faites par Claire Curt, une superbe photographe qui est aussi photographe culinaire.

Pour la première édition France 3 Paris nous a dédié une émission et pour la deuxième ils ont fait plus : on a eu un vrai partenariat. France TV a fait voter les téléspectateurs, donc il y a eu le prix des téléspectateurs, un reportage ainsi qu’une émission radio [Côté saveurs] sur France Bleu Paris.

Selon vous, est-ce lié au fait que vous y intégriez l’art de la gastronomie ?

C’est vrai que la gastronomie plaît beaucoup mais je pense que c’est vraiment le prix qui a plu à France TV, parce que tout est parti du premier prix. Et puis on a réussi à réunir trois arts : la littérature, la cuisine et les arts plastiques. C’est très important. Balzac considérait aussi que la cuisine était un art comme les autres. Ce qui m’intéresse, c’est de faire se rencontrer des disciplines qui n’ont pas toujours la possibilité de dialoguer. Les lauréats ont donc produit une oeuvre totale, qui allait au-delà de l’esthétique même. On peut parler de performance pour certaines : pour l’une d’entre-elles, on a posé nos mains dans les moulages des mains des artistes et le plat nous y était servi directement dedans. Il n’y avait pas d’assiette ou de fourchette. 

Comment percevez-vous cette communion des arts ?

Ça m’a toujours intéressé. J’adore faire des liens avec ce que je vois, ce que j’ai vécu ou aperçu avant. 

Quel regard portez-vous sur la création contemporaine ?

Je trouve qu’il y a beaucoup de choses qui se font, qu’on a une vraie richesse [partout en France], et qu’on donne la possibilité aux artistes de s’exprimer. En revanche on pourrait peut-être davantage soutenir la création française. Je trouve que les artistes français n’ont pas assez leur place à l’international. C’est dommage… La France ne soutient pas assez ses artistes à travers le monde. Ça se voit au travers de leurs cotes d’ailleurs. Quand on pense à Soulages, il a fallu attendre très longtemps. Regardons Beaubourg ou le Musée d’Art Moderne, il n’y a pas tant d’artistes français que ça. Les musées font appel de plus en plus au privé pour financer la plupart des projets. Je fais du mécénat par le Prix Balzac, le Cercle,  ma présence au Conseil d’administration au Fonds de dotation du CESE.

En comparaison avec vos débuts, observez-vous une différence majeure de fonctionnement aujourd’hui ? 

La grande différence c’est Internet et un accès facilité à tous ces différents marchés.

La jeunesse joue-t-elle un rôle important pour le Cercle des Amis ? 

J’aimerais que les jeunes s’impliquent davantage dans les Sociétés d’Amis. Ne serait-ce que par le fait qu’en étant membre vous participez au rayonnement et à l’enrichissement du musée et la possibilité de profiter du programme de visites, rencontres souvent dans des conditions exceptionnelles organisé par les sociétés d’amis. Les jeunes ont une vraie place, avec le cercle, la commissaire Françoise Paviot et le directeur du musée nous avons invité des jeunes en première année BTS photographie à lire Balzac et à réaliser des travaux photographiques qui ont été exposées en dialogue avec le  fonds photo du musée. Ainsi ils ont pu être vus dans une institution et cela fait revivre les collections aussi. Pour compléter la collection de laMaison de Balzac on vient d’acheter un tableau de Pierre Alechinsky. Il a beaucoup travaillé sur l’oeuvre Balzac et tout particulièrement sur le Traité des excitants modernes. Une oeuvre acquise à la Galerie Lelong & Co. qui appartient maintenant aux collections du musée.

Où pouvons nous vous retrouver dans les semaines à venir ?

Là je vais à Arles pour les Rencontres de la photo. Je vais aussi à Avignon pour une exposition d’Eva Jospin à la Collection Lambert, puis à Montauban pour voir la nouvelle exposition d’artistes que j’aime beaucoup, Anne et Patrick Poirier – un des seuls couples d’artistes qui travaillent exclusivement tous les deux. Je les ai déjà rencontrés à plusieurs reprises et ai visité leur atelier. 

Valérie Delarue 
En haut : Forêt café-chicorée, 2023 (dessin au café-chicorée sur papier 96 x 150cm)

En bas : Vanité au cardoncello, 2023 (sculpture en grès émaillé présentée sur une nappe de papier peinte au café)

Valérie Delarue 

En haut : Forêt café-chicorée, 2023 (dessin au café-chicorée sur papier 96 x 150cm)

En bas : Vanité au cardoncello, 2023 (sculpture en grès émaillé présentée sur une nappe de papier peinte au café)