Pauline Pavec

Le 12 octobre, dans les locaux de la galerie, dans le 3ème arrondissement de Paris

Pauline, co-fondatrice éponyme de la galerie Pauline Pavec et historienne de l’art, s’emploie à créer un espace de réciprocité entre diverses générations d’artistes. Lorsque nous entrons dans la galerie, l’idée d’une couleur itinérante où confluent instinct et volonté s’impose. 

Tandis que disparaissent les fragments de la peinture de Flora Moscovici, Pauline Pavec et Quentin Derouet accueilleront début 2024 les oeuvres de Juliette Roche, artiste majeure des avant-gardes, dans leur nouvel espace près de la place des Vosges. Éclectique et inclassable, Juliette Roche se rapprocha d’abord des Nabis avant de rejoindre Dada à New York, entourée de Marcel Duchamp. 

Flora Moscovici et Pauline Pavec - ©Galerie Pauline Pavec

Quelle a été votre éducation à l’art ? Comment ce goût est-il né ? 

Lorsque j’étais enfant ma mère m’a très tôt emmenée dans les musées, c’est donc une chose à laquelle j’étais très habituée ; ensuite j’ai fait mes études à l’Ecole du Louvre.
Au Louvre, je me suis spécialisée sur la scène française des années 1960-1970, j’ai notamment écrit sur Anne Tronche, une critique d’art de la scène parisienne de ces années là. Cela m’a permis de bien comprendre cette scène, assez particulière, et ensuite de faire certains choix à la galerie. Mes études ont donc été un moment assez charnière. En 2018, j’ai co-fondé la galerie – entre mes deux années de Master – avec mon mari, l’artiste Quentin Derouet. 

Quentin Derouet et vous formez donc un binôme ? 

Complètement. En sortant de mes études j’envisageais de travailler dans le monde des galeries. Fonder une galerie était un rêve, et la rencontre avec Quentin a été un élément déclencheur. On a d’abord fait du commissariat d’exposition à deux, à Paris, dans des appartements abandonnés ou des lieux atypiques. La galerie a ensuite été inaugurée en 2018. C’est un projet que nous menons en duo. Quentin, lui, est artiste. Il a d’abord fait les Beaux-Arts à Grenoble puis la Villa Arson à Nice. De son coté, il a une manière assez particulière de concevoir l’art : il donne autant d’importance au fait de s’exprimer à travers ses propres oeuvres qu’avec celles des autres. Pour lui, l’important est de diffuser un certaine idée de l’art. 

La galerie en soi est un projet artistique global pour Quentin. Elle est une oeuvre complexe au sein de son corpus d’oeuvres protéiformes, comme un maillon parmi d’autres. C’est donc très intuitivement qu’il a fondé la galerie avec moi comme un outil ou un jeu poétique. Une part non négligeable de son travail consiste à donner la parole aux autres que ce soit des artistes oubliés, des amis artistes ou les visiteurs de ses expositions. 

Vous êtes complémentaires. 

On est très complémentaires, c’est vrai. C’est moi qui endosse toute la gestion de la galerie, entre autre. Lui m’accompagne sur les choix stratégiques et artistiques. Nous passons aussi beaucoup de temps à faire de la recherche ensemble. 

En quoi votre parcours de galeriste est-il une suite logique à votre titre d’historienne de l’art ? 

Ça a été une évidence pour moi et cela prolongeait les premières expériences que nous avions eu Quentin et moi. Il était important pour nous de partager ce projet à deux, en duo, en amoureux. La galerie nous réunit au quotidien. C’est une suite logique à mon parcours d’historienne l’art car cela nous plonge dans une émulation poétique au quotidien. Nous réfléchissions sur le monde, entourés de gens, d’artistes et de réflexions qui nous inspirent et la galerie en est le reflet. 

Percevez-vous la présence d’un artiste en institution comme un aboutissement ? 

A la galerie nous travaillons beaucoup avec les institutions, car nous avons la joie de défendre différentes générations d’artistes et montrer à la fois des oeuvre modernes, historiques et des oeuvres contemporaines. Selon moi le lien entre l’artiste et l’institution est fondamental, car les collections des musées reflètent le monde dans lequel nous vivons et ont cette vocation de conservation à travers le temps. L’aboutissement, serait plutôt que les oeuvres des artistes puissent résonner, dès maintenant et dans le temps, et c’est vrai que les institutions ont ce rôle de diffusion et de partage des savoirs. Le musée est donc l’un des meilleurs écrins pour dévoiler et préserver les recherches des artistes. 

Comment parvenez-vous à acquérir de l’art moderne ? 

Les artistes sur lesquels nous travaillons sont des artistes qui nous ont touché ou bouleversé. Jacques Prévert, Robert Malaval ou Jacqueline Lamba par exemple sont des figures qui, selon nous, à un moment donné, ont marqué l’histoire de l’art et ce pour diverses raisons. Nous aimons l’idée de permettre leur relecture mais aussi de permettre à de nouvelles génération de les découvrir. Pour accumuler de telles oeuvres nous travaillons de longs mois afin d’identifier des oeuvres de second marché à acquérir. Nous travaillons aussi en collaboration avec les successions des artistes, c’est le cas par exemple pour Jacqueline Lamba dont le fonds d’atelier est détenu par Aube Breton Elléoüet, la fille d’André Breton et Jacqueline Lamba. Il nous arrive aussi d’acquérir un fonds d’atelier complet, comme ça a été le cas récemment pour Juliette Roche, une toute nouvelle artiste sur laquelle nous commençons à peine à travailler. Juliette Roche, est une artiste femme marquante du début du XXème siècle, dont les oeuvres sont datées entre 1910 et 1945. D’abord formée par les Nabis, Maurice Denis et Paul Sérusier, elle prend ensuite part au mouvement Dada à New York, entourée de Francis Picabia et Marcel Duchamp. Elle a aussi des liens forts avec le cubisme puisqu’elle épouse Albert Gleizes en 1915. Juliette Roche fait partie de ces rares femmes du XXème siècle qui ont pris part aux avant-gardes et cela a été un vrai bouleversement pour nous de découvrir son travail. 

Dans le courant de l’année 2023, nous avons eu la chance d’être choisis par la Fondation Albert Gleizes pour acquérir tout son fonds d’atelier. Et, depuis septembre, nous avons lancé une campagne de restauration sur certaines oeuvres majeures que nous exposerons en 2024 entre la galerie et une foire internationale d’envergure au printemps. C’est un travail colossal de représentation et de soutien sur le long terme dans lequel nous nous laçons, et nous sommes très heureux d’avoir la possibilité, dans cette nouvelle étape pour la galerie, de donner à l’oeuvre majeure et insolite de Juliette Roche la notoriété nationale et internationale qu’elle mérite. 

Présenter différentes générations d’artistes émane-t-il d’un besoin de changement du marché ? 

C’est une certitude, le marché de l’art traverse des bouleversements, comme la relecture de l’histoire de l’art ou le regard nouveau qui est posé sur les artistes femmes ; le fait d’exposer de l’art moderne et de l’art contemporain aujourd’hui est une chose évidente. L’un apporte à l’autre et tout cela s’équilibre. Et ce qui est de plus en plus visible c’est qu’il nous n’avons pas forcément deux clientèles distinctes, de jeunes collectionneurs, qui ont l’habitude de plutôt acquérir de l’art contemporain, achètent aussi de l’art moderne. 

Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ? 

La dernière difficulté majeure a été de trouver un nouvel espace dans lequel s’installer, mais nous sommes ravis d’annoncer que la Galerie Pauline Pavec s’agrandit et inaugurera un nouvel espace, près de la Place des Vosges au coeur du marais, en début d’année 2024 ! 

Pauline Pavec et Quentin Derouet - ©Galerie Pauline Pavec

Le binôme que vous formez avec Quentin, artiste, influe-t-il sur votre regard de marchand ? 

Le regard de Quentin est plutôt de l’ordre du sensible et pour ma part, je ne sais pas si j’ai vraiment un regard de marchande, mais plutôt celui d’une passionnée qui souhaite partager les regards et paroles des individus qui cherchent le sens de la vie, de leur époque, à travers une certaine manière d’être au monde : les artistes. 

Où pouvons-nous vous trouver dans les semaines à venir ? 

A la galerie rue Meslay pour la dernière exposition que nous ferons à cette adresse. 

Elle débutera le 09 novembre (vernissage mercredi 08 novembre) et sera un dialogue entre les encres historiques de Jacqueline Lamba et les dessins contemporains Isabelle Daëron.
Cette exposition aura pour point de départ la question de l’eau et de ses résurgences, Isabelle Daëron ayant voyagé jusqu’à Bures pour découvrir l’Yvette (ou ce qu’il en reste), la rivière que Jacqueline Lamba a peint au début des années 1960. 

 

-Pauline PAVEC, Galerie Pauline Pavec